dimanche, janvier 14, 2007

LEROY ET STITCH EN DVD : Entretien avec le réalisateur Tony Craig


« En remerciement de leur aide précieuse pour avoir retrouvé les 625 expériences, Lilo, Stitch, Jumba et Pleakley se sont vus récompensés par des séjours de rêve aux quatre coins de la galaxie. Mais leur repos est de courte durée. Le sinistre Docteur Hamsterviel s’est en effet échappé de prison et a contraint Jumba à créer une nouvelle expérience du nom de Leroy, un frère jumeau maléfique de Stitch. Pour couronner le tout, Hamsterviel s’est mis en tête de cloner son dernier-né afin de monter sa propre armée. Bref, les ennuis recommencent… »
Dernier opus de la saga, Leroy & Stitch conclut en apothéose les aventures de la petite hawaïenne et de son extraterrestre pas comme les autres, en renouant avec toutes les productions de la franchise, des suites en vidéo à la série télé.
Et pour ce faire, Disney a fait de nouveau appel à Tony Craig pour réaliser, en compagnie de son éternel compère Bob Gannaway, ce film toujours plein d’humour et de tendresse.
Rencontre avec l’artiste qui nous a offert non seulement ce film et la série Lilo & Stitch, mais également Timon & Pumbaa, Les 101 Dalmatiens et Mickey : Tous en Boîte.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Après le lycée, j’ai envoyé un port folio au California Institute of the Arts, qui a été refusé, puis je suis allé passer un an dans un Collège en Caroline du Sud pour approfondir ma pratique des arts. A la suite de quoi, comme je voulais cela très fort, je me suis représenté à Cal Arts et j’ai été accepté dans le département animation. C’était en 1980.

Qui furent vos professeurs à Cal Arts ?
Il y eu Chris Buck, l’un des réalisateurs de Tarzan, et Mike Giaimo, qui fut mon professeur d’écriture d’histoire, qui malheureusement nous a quitté l’année dernière. J’ai également suivi des cours de layout, ainsi que des cours de design avec un ancien collaborateur de Mary Blair.

Qu’avez-vous fait après vos études là-bas ?
Après deux ans à Cal Arts, j’ai eu l’occasion de travailler un peu avec Don Bluth, puis j’ai rencontré des artistes qui travaillaient sur les Tiny Toons. C’est ainsi que j’ai participé à cette série aux côté de Ken Boyer. C’était l’un des plus jeunes réalisateurs qu’ils avaient sur la série (il avait dans les 25 ans à l’époque !). Il avait le sentiment que les anciens du métier avaient pris un certain nombre de mauvaises habitudes, et il avait envie de rassembler quelques jeunes pour inventer des choses différentes. J’ai ainsi passé quatre ans le département de Ken, mais avec le secret espoir de pouvoir un jour travailler chez Disney.

Comment avez-vous rejoint la maison de Mickey ?
Je leur ai envoyé mon porte folio, et ils m’ont pris en tant que clean-up artist sur Bernard et Bianca au Pays des Kangourous. Je me suis occupé de Joanna, le gros lézard de McLeach. Ce passage à Walt Disney Feature Animation a duré cinq mois, et s’est arrêté brusquement car il n’y avait plus rien à faire. C’est alors que je suis retourné chez Warner pour la deuxième saison des Tiny Toons, avant de me mettre aux Animaniacs. Nous avons pris neuf mois pour développer cette nouvelle série, puis j’ai eu la chance de réaliser le storyboard du tout premier épisode de Minus & Cortex ! Et après sept mois comme cela, j’ai pris la décision de m’arrêter pour démarrer une carrière en free lance. C’était l’été 1992. En 1993, l’un de mes copains de promo à Cal Arts, Donovan Cook (qui a notamment réalisé Mickey – Les Trois Mousquetaires dernièrement), a lancé une série appelée Two Stupid Dogs et il m’a demandé de rejoindre son équipe de storyboard. Or il se trouve que le seul bureau disponible devait être partagé avec un certain Bob Gannaway. Nous nous sommes tellement bien entendus que nous nous sommes mis à développer notre propre série durant notre temps libre, et à la proposer à tous les studios. Rien ne s’est vraiment passé si ce n’est que nous avons attiré l’attention de Walt Disney Television Animation. Nous ne savions pas qu’à l’époque où nous sommes passés pour vendre notre série, ils cherchaient un duo d’artistes pour diriger une série dérivée du Roi Lion, mettant cette fois en vedette Timon & Pumbaa.

Tony Craig (assis) et Bob Gannaway

Comment furent les débuts de la série ?
En fait, nous n’avons disposé que de deux semaines pour développer le concept de cette série et un mois après notre présentation aux exécutifs de Disney, nous entrions en production !

Pouvez-vous nous expliquer le concept de la série Timon & Pumbaa ?
Bob et moi sommes de grands fans des cartoons de la Warner, et nous nous sommes dits que si Bugs Bunny pouvait surgir de partout et prendre tous les rôles possibles et imaginables, alors notre duo Timon & Pumbaa pouvait aussi débarquer n’importe où dans le monde. C’est ainsi que la série devait originellement s’appeler Around The World with Timon & Pumbaa. Mais au bout du compte, les gens de Disney ont voulu davantage coller au film d’origine, et la série s’est finalement appelée The Lion King’s Timon & Pumbaa. L’idée était de les faire arriver dans n’importe quel coin de la planète et de les faire interagir avec ce qu’on pouvait y trouver : toutes sortes d’animaux, d’environnements, etc.

Puis on vous retrouve aux commandes de la série Les 101 Dalmatiens.
En effet. A cette époque, Disney Television Animation s’est doté d’un nouveau président et l’une des premières choses qu’il a faites a été de racheter un studio d’animation de New York appelé Jumbo, dirigé par Jim Jenkins, le papa de Doug. De fait, Nikelodeon a perdu la franchise de Doug, et Disney l’a récupérée pour diffuser la série dans leur émission hebdomadaire du samedi matin, 1 Saturday Morning, aux côtés de la Cour de Récré. Ainsi que du film en prises de vue réelle Les 101 Dalmatiens. C’est à partir de ce film qu’est née l’idée d’une série animée. Ils ont mis les gens de Jumbo sur le projet, mais ils se sont très vite rendus compte qu’il était très difficile de superviser quatre équipes de production, soit 120 personnes, depuis New York. C’est ainsi que Disney nous a demandé à Bob et à moi de devenir producteurs exécutifs de cette série, et ainsi de superviser la production depuis Los Angeles, en collaboration avec Jim Jenkins et David Campbell. Nous avons ainsi produit 65 épisodes d’une demie heure sur un an seulement, avec l’aide de neuf studios étrangers travaillant en même temps sur le projet ! C’était une série intéressante du point de vue artistique. Je pense notamment à l’artiste Alphonse Mucha, du mouvement « art-nouveau », qui avait su donner une qualité toute particulière à ses affiches. Cette qualité se caractérise par une ligne extérieure plus épaisse et des lignes intérieures plus fines, et c’est ce que j’ai voulu adapter pour Les 101 Dalmatiens. Ce style permettait également de favoriser l’homogénéité des dessins de tous les studios impliqués dans la production de la série, que ce soit le Japon, la Corée, l’Australie et l’Europe de l’Est.

Cette multiplicité des studios, si elle constitue un avantage certain du point de vue économique, pose en effet un grand nombre de problèmes logistiques et artistiques.
Absolument. Tenir les délais dans ces conditions a certainement été le travail le plus difficile de toute ma carrière ! Mais ce fut aussi très stimulant !

Cela a-t-il posé problème de vous éloigner ainsi du style visuel du film original ?
J’ai lu sur internet qu’un certain nombre de personnes n’étaient pas contentes du fait d’avoir changé le design original, mais je pense sincèrement que les studios étrangers avec lesquels nous travaillions n’auraient pas été capables de reproduire ces lignes brutes photocopiées de façon homogène et dans les conditions que demandait la série. Je pense vraiment que le style graphique pour lequel nous avons opté était une bonne solution dans ce contexte. A l’époque, peu de studio pratiquaient ce style, si ce n’est pour la série Daria. Et aujourd’hui, la majorité des séries animées sont faites ainsi. Nous avons un peu été des précurseurs !

Puis vous êtes passé à House of Mouse (Mickey - Tous en Boîte).
Cela s’est passé très vite. Bob et moi étions devant le bureau du président de Walt Disney Television Animation d’alors, Barry Blumberg, et il y avait un concept art de Mickey accroché au mur, ce qui montrait qu’ils étaient en train d’envisager quelque chose là-dessus et j’ai demandé sans arrière-pensée qui devait développer cette série. Et il a répondu : « vous, les gars ! ». Nous avons donc commencé avec la série Mouseworks. A ce propos, Roy Disney nous a dit : « pourquoi ne prendriez-vous pas ces cartoons pour ce qu’ils sont : des cartoons, justement. Vous n’avez pas besoin de venir avec un grand concept. Ce sont des personnages de cartoon, alors faisons des cartoons : c’est ce que nous savons faire le mieux ! » Et tout le monde a aimé cette idée. Puis Peter Schneider nous a dit qu’il trouvait que ces cartoons partaient un peu dans tous les sens et qu’il aimerait bien qu’ils aient un fil conducteur, quel qu’il soit. Nous avons donc fait une pause dans la fabrication de cartoons et nous nous sommes penchés sur un concept pour unifier tous cela. C’est ainsi que nous sommes arrivés à l’idée de House of Mouse, Mickey-Tous en Boîte, qui a aussi permis de rendre Mickey plus actuel, de moderniser son image.


Il est toujours délicat de toucher à l’icône de Disney. Est-ce que cette nouvelle attitude de Mickey a fait l’objet de beaucoup de discussions ?
Pas tant que cela. Notre principale source d’inspiration a été le Muppet Show, avec Mickey à la place de Kermit la Grenouille, présentant le show à tous ses amis Disney, et essayant de tenir la boutique. Un gros travail pour une petite souris. Il fait du mieux qu’il peut, et il sait qu’il peut compter sur l’aide de ses amis, Donald, Daisy, Dingo et Minnie. Ce fut aussi l’occasion de retrouver des personnages que l’on ne voit plus guère, comme Horace et Clarabelle.

On y retrouve ainsi tous les personnages Disney, des premiers cartoons en noir et blanc aux films les plus récents.
Je crois que nous avons balayé toute l’histoire de Disney jusqu’à Atlantide.

Il est d’ailleurs étonnant de voir ces personnages se mélanger, en dehors de leur univers respectif, une pratique d’habitude refusée par Disney .
C’est vrai, mais nous avons d’abord fait des tests auprès des gens de Disney, et tous ont trouvé que cela fonctionnait très bien ainsi et que c’était finalement très drôle. Tout ce qu’on nous a demandé, c’est que la personnalité de chaque personnage ne change pas par rapport au dessin-animé d’origine, et que nous ne nous moquions pas des moments d’émotion des films originaux. A part cela, nous pouvions tout faire ! Il y a bien eu un ou deux gags que nous n’avons pas été autorisés à faire car ils franchissaient la limite, mais globalement, tout le monde s’est bien amusé ! Cette façon de réunir des personnages connus et appréciés de tous permet de rassembler toutes les générations, et de fait, la série a autant marché auprès des jeunes enfants que des adultes. Cela fonctionne un peu comme les Disney Princesses aujourd’hui.

On imagine le plaisir de pouvoir travailler avec les voix originales de tous ces personnages !
Et comment ! Nous avons eu la joie de rencontrer des artistes allant de Katherine Beaumont, la voix originale d’Alice et de Wendy, à James Wood / Hadès. Nous avons été aidés en cela par le département Disney Character Voices, qui s’occupe de superviser toutes les voix Disney pour toutes les divisions de la compagnie, afin de garder toujours la même voix à chaque personnage.

Afin de rester fidèle à la personnalité de chaque personnage, avez-vous revu tous les films Disney ?
C’est quelque chose que je fais régulièrement, sans avoir à travailler sur un projet en particulier ! J’ai d’ailleurs une collection assez importante des premiers cartoons, notamment des Silly Symponies, ce qui m’a permis de faire ressurgir quelques-uns de leurs personnages dans House of Mouse. Ce fut très spécial pour moi de pouvoir puiser dans ce répertoire, car, comme je vous l’ai dit, j’ai toujours voulu travailler chez Disney. Je connais tous ces personnages par cœur, et là, je les avais tous à ma disposition !

Comment avez-vous envisagé la musique de la série ?
Nous voulions quelque chose d’actuel, mais qui ne sonne pas vieillot dans les quatre à cinq ans qui allaient suivre. Nous nous sommes donc tournés vers le swing et le rock, et c’est ainsi que nous avons fait appel à Brian Setzer. Il a su très bien marier le swing des années 40 au rock’n roll dans le générique de la série. Et à partir de là, le ton était donné.


Comment êtes-vous arrivé sur la franchise Lilo & Stitch ?
Après la série House of Mouse, nous avons fait deux films pour la vidéo, House of Villains, et Snowed In at the House of Mouse, et il fut temps alors de réfléchir à d’autres projets. Il était question de développer une série basé sur le film Lilo & Stitch et Disney avait demandé à plusieurs équipes de réfléchir à un concept. Ils nous ont tous réunis pour mettre en commun nos idées, et la série a fini par naître de l’association entre nos idées à Bob et moi, et celle de Jess Winfield.

Quels étaient vos relations avec Lilo & Stitch avant de diriger la série ?
Chris Sanders sort, comme moi, de Cal Arts. Je connaissais déjà ses films d’étudiant que je trouvais fantastiques et j’ai suivi avec intérêt sa progression chez Disney, depuis ses dessins pour Bernard & Bianca au Pays des Kangourous et Mulan. J’ai été ravi pour lui quand on lui a offert la possibilité de diriger son propre film, que j’ai trouvé merveilleux. J’ai beaucoup aimé le fait qu’il s’agisse d’un film très actuel, très différent de tout ce qu’on a pu voir par le passé. Le style visuel était aussi très intéressant : cette idée de renouer avec l’aquarelle des années 30 dans un film d’aujourd’hui.

Quelle fut votre approche de la série Lilo & Stitch ?
Du point de vue artistique, nous avons voulu coller le plus possible au design du film original. Dans cette optique, nous avons formé tous nos décorateurs à l’aquarelle. La plupart d’entre eux avaient l’habitude de peindre leurs décors par infographie, mais nous leur avons appris à peindre à l’aquarelle sur un papier destiné à cet effet. Je suis moi-même un grand adepte de cette technique et j’ai eu grand plaisir à peindre un ou deux décors comme cela. Cependant, si les décorateurs de Lilo & Stitch, le film, ont eu le temps de peindre tous leurs décors au pinceau, nos studios n’avaient pas les mêmes impératifs de temps, et ils ont trouvé le moyen de reproduire cette technique informatiquement, sur Photoshop. C’était étonnant !
Du point de vue des personnages, nous savions que Stitch était l’expérience 626. Il fallait donc imaginer une façon de faire émerger les autres expériences. C’est ainsi que nous avons songé à le faire par l’eau, qui activerait les capsules dans lesquelles ils sont tous enfermés. Et pour expliquer tout cela, nous avons pensé à faire un film à part entière, qui serait en quelque sorte l’introduction de la série et de ses 65 épisodes (nous avons fort heureusement trouvé le moyen d’organiser le retour des expériences précédentes de cette façon, car sinon, nous aurions dû produire 625 épisodes !).

Avez-vous participé à l’écriture des histoires ?
Non, j’ai laissé ce soin à Bob Gannaway et Jess Winfield, de la même façon que je les ai laissés s’occuper de la direction artistique des enregistrements des voix. Je savais qu’ils se débrouilleraient à merveille (Bob s’en occupait déjà sans moi au milieu de la production de House of Mouse), et qu’il est toujours meilleur de ne pas multiplier les opinions en cabine.

Comment avez-vous choisi le compositeur de la série, Mike Tavera ?
Nous avions déjà travaillé avec lui sur House of Mouse -il nous avait été présenté par les gens du département musique de notre division- et nous aimions ce qu’il avait fait. Il y avait d’autres compositeurs qui étaient envisagés, mais cela avait tellement bien fonctionné sur Tous en Boîte que avions envie de continuer dans ce sens. Nous avons pas eu à chercher ailleurs !

Lilo & Stitch est une franchise riche et complexe, associant un film cinéma, trois suites en vidéo (Stitch, le film ; Lilo & Stitch 2 : Hawaï, nous avons un problème et Leroy & Stitch).
Vous avez raison de souligner cette complexité. A cette époque, Walt Disney Television Animation s’occupait de tout ce qui se rapportait aux séries télé, tandis que Disney Toon Studios, qui faisait aussi partie de notre division, s’occupait des suites comme Le Roi Lion 2, Cendrillon 2, etc. Et ces derniers travaillaient sur Lilo & Stitch 2 presque indépendamment de notre travail sur la série. Le problème est que, pour des raisons de timing et de date de sortie, les choses n’ont pu se passer comme elles auraient dû. Lilo & Stitch 2 se situe immédiatement après la fin du film original, et pourtant il n’est sorti qu’après notre suite à nous, Stitch : le film, et deux saisons de notre série. Toute l’histoire des autres expériences était ainsi connue de tous, alors qu’il n’en est fait aucune référence dans le 2 ! A cela, vous pouvez également rajouter le court-métrage racontant les origines de Stitch, envisagé à la dernière minute. Tout cela a fait qu’on se mélange un peu les pinceaux et cela aurait bien mieux fonctionné du point de vue chronologique si on ne s’était pas autant précipité. Enfin, aujourd’hui, on peut remettre toutes les pièces dans le bon ordre : Lilo & Stitch, Lilo & Stitch 2, puis Stitch : le film, notre série, et finalement Leroy & Stitch.

Comment s’est passée la production de Stitch : le film ?
Ce fut assez compliqué car à cette époque, il nous fut très difficile d’obtenir des informations à propos du film original dans la mesure où il n’était pas encore sorti. S’il y avait eu plus d’échange entre les différentes équipes, je crois que notre travail n’en aurait été que meilleur.

Est-ce que votre rôle est différent entre la direction d’un long-métrage et celle d’une série ?
Pas vraiment, dans la mesure où, dans les deux cas, il faut s’assurer que toutes les énergies vont dans la même direction.

Comment est née l’idée de Leroy & Stitch ?
A lieu de finir tout simplement la série, nous avons eu envie de faire un film qui apporte une sorte de conclusion sur les activités du Dr. Hamsterviel, l’évolution de Gantu et des autres personnages. Bob et Jess ont donc mis sur pied une histoire qui rassemblerait toutes les intrigues de la saga et l’ont présenté à notre président, qui a l’habitude de faire confiance à ses artistes. Et c’est ce qu’il a fait. Vous savez, lorsque vous vous lancez dans un projet collectif comme tout ce que nous faisons chez Disney, vous partez avec votre propre idée en tête, et le résultat final ne correspond pas toujours à ce que vous vous imaginiez. Mais là, je dois dire que le film correspond vraiment bien à ce que j’avais envie de faire.

Comment le travail a-t-il été réparti ?
Sur Stitch : le film, nous travaillions sur trois studios : un à Los Angeles et deux en Corée, alors sur Leroy & Stitch, il y avait deux studios, L.A. et un studio à Taïwan avec lequel j’étais en contact très étroit. Cela a amélioré la qualité du film car, avec deux studios différents à l’étranger, les choses ne peuvent être parfaitement homogènes, même si le superviseur de l’animation là-bas fait tout son possible pour faire des allers-retours constants entre les deux. Cette fois, nous avons eu une vraie continuité.



Comment avez-vous choisi JAC Redford pour la musique ?
En fait, c’est une suggestion du département musique de Disney Toon Studios. Je ne le connaissais pas vraiment, mais quand j’ai vu son parcours, tant en matière de films que de dessins-animés, j’ai été vraiment ravi de pouvoir travailler avec lui. D’autant plus que je suis un grand fan de James Horner, le compositeur de Titanic et de Cocoon (c’est d’ailleurs la musique que j’ai utilisée comme partition temporaire sur Leroy & Stitch), et quand j’ai su que JAC était l’un des principaux orchestrateurs de James Horner, j’étais aux anges !

Que lui avez-vous demandé ?
Avant tout, de rester fidèle au film original. C’est ainsi qu’il a réutilisé six ou sept musiques qu’Alan Silvestri avait composée pour Lilo & Stitch. Il fallait aussi qu’Elvis fasse partie de notre film. Nous avons donc demandé à JAC d’unifier tout cela afin que Leroy & Stitch soit aussi une conclusion musicale à toute la saga, en utilisant des éléments tirés de chaque film et de la série. Et au delà de tout cela, il a su composer un thème qui traite spécifiquement les émotions de notre film, le thème qui ouvre le film, lors de la cérémonie, et qu’il a su varier de toutes sortes de façons merveilleuses et touchantes.

Les chansons d’Elvis s’intègrent toujours aussi bien dans la trame du film.
Et pourtant, ce ne fut pas chose aisée. Prenez par exemple I’m so lonesome I could cry. Cela correspondait exactement à la situation des personnages, seuls, éloignés les uns des autres. Or, la seule version existante de cette chanson est une version live. Eh bien, qu’à cela ne tienne, nous l’avons intégrée telle quelle, et c’est devenu le disque de Jumba fait jouer dans son laboratoire. Il était important que tout ait un sens dans notre film Bob y tenait beaucoup. Tenez, je vais vous révéler un petit secret : lorsque Hamsterviel envoie Stitch, Jumba et Pleakley vers le trou noir, il entre les coordonnées : 12-21-9-7-9. En fait, il s’agit d’une date : le 21 décembre 1979, le jour de la sortie du film Le Trou Noir !

Et comment vous est venue l’idée d’utiliser le générique d’Hawaï Police d’Etat ?
En fait, nous avions envie de l’utiliser depuis Stitch : le film car cela fait partie de l’image qu’on se fait d’Hawaï, mais l’histoire ne s’y prêtait pas. Or, ici, ce montage convenait parfaitement, et apporte un second degré assez drôle à l’ensemble !

Vous semblez avoir beaucoup d’affinités avec la musique.
Il faut dire que mes deux parents sont professeurs de musique. Et lorsque j’ai fini mes études générales, j’ai dû choisir entre mes deux passions, l’animation et la musique –car je joue du cor. Vous connaissez la suite. Mais cette autre passion s’exprime sans cesse dans mon travail. C’est ainsi que dans House of Mouse, j’ai imaginé plusieurs épisodes basés uniquement sur la musique, comme les Silly Symphonies ou certains cartoons de la Warner.

Je me souviens même d’épisodes de Timon & Pumbaa parodiant Fantasia !
Bumble in the Jungle, en effet ! Une version « jungle » du Vol du Bourdon, qui était initialement prévu par Walt Disney pour la suite de Fantasia. En fait, nous avons suivi la musique en dessinant spontanément les mouvements que nous inspiraient les notes. Pour ce faire, le compositeur Stephen James Taylor a écrit une partition temporaire au synthétiseur, et avait ajouté un click, comme un métronome, afin de donner aux animateurs le timing exact qu’ils devaient suivre. Nous avons ainsi créé notre propre méthode de travail. J’ignore si c’est celle qui a été suivie dans les premiers cartoons mais cela a fonctionné pour nous !

Quels sont vos personnages préférés parmi tous ceux avec qui vous avez travaillé ?
Je dirai Timon & Pumbaa et Mickey. Même si je me suis beaucoup amusé, je n’ai pas eu la même relation avec les dalmatiens et avec Lilo & Stitch. Je suis particulièrement fier du travail effectué sur Leroy & Stitch, mais Mickey garde une place à part dans mon cœur. J’ai vraiment eu un coup de blues quand il a fallu arrêter House of Mouse !

Les suites Disney sont toujours critiquées pour leur côté mercantile. Partagez-vous ce sentiment ?
C’est un fait que la Walt Disney Company cherche toujours à gagner de l’argent avec les personnages qu’elle a créés. Mais pour les gens qui ont créé ces personnages, l’argent est bien la dernière chose à laquelle ils pensent. Nous, les artistes, nous essayons simplement de produire quelque chose de bon et de divertissant, en fonction des conditions dont nous disposons, notamment du temps.

Parlons un peu de vous maintenant. Vous êtes un artiste indépendant. Pouvez-vous nous présenter votre travail ?
J’ai toujours été très attaché à l’état où je suis né, la Caroline du Nord. Je n’ai jamais considéré que mes racines se trouvaient à Los Angeles. Je me suis donc mis à voyager à travers mon pays, en photographiant et en peignant. Quand Bob a vu mon travail, il m’a suggéré de me concentrer maintenant sur un aspect bien précis. C’est ainsi que je me suis focalisé sur les panneaux publicitaires et autres signes lumineux que l’on peut trouver tout au long de la Route 66, et c’est devenu une véritable obsession ! Je dois avoir autour de 70 000 photos ! Et sachant que ce patrimoine tend à disparaître avec le temps, je suis ravi de pouvoir aider à le préserver à ma façon. C’est devenu plus qu’un hobby. J’imprime ces photos, je les retravaille sur Photoshop, je les expose…

En tant qu’amoureux de la Route 66, avez-vous apprécié Cars – Quatre Roues ?
Oh absolument ! Et je dois avouer qu’avant de voir le film, j’avais l’idée d’une histoire qui prônait à peu près le même message. Aujourd’hui, je dois mettre ce projet de côté, mais je suis heureux que le message ait porté. Je suis également heureux que les gens de Pixar aient rendu hommage de la sorte à cet environnement, avec ce respect. Il est tellement bien fait qu’on dirait qu’il a été filmé : les néons, les panneaux, les bâtiments…

De Leroy & Stitch à la Route 66, la route est longue…
Oui, mais si vous prenez la majorité des animateurs, vous vous apercevez qu’ils produisent des œuvres personnelles à mille lieues de ce qu’ils font pour Disney. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de l’animation : réunir des artistes venus d’horizons totalement différents et les faire travailler autour d’une même vision. C’est ce qui fait que les artistes d’animation ont une telle faculté d’adaptation. Entre le style graphique des 101 Dalmatiens et celui, plus disneyen de Lilo & Stitch, il y a un monde, mais le pont est vite franchi.

Des projets ?
Pour l’instant, je suis un homme libre. Je viens de passer les fêtes avec mes parents. Je vais probablement ouvrir ma propre galerie art, et lorsque quelque chose se présentera dans le monde de l’animation, je mettrai quelqu’un pour diriger la galerie durant mon absence et je retournerai en Californie.

Vous n’avez travaillé qu’en 2D jusqu’à présent. Seriez-vous prêt à vous lancer dans un projet en 3D ?
Pour moi, le débat entre la 2D et la 3D est sans intérêt car on peut faire des choses fantastiques dans les deux cas. Personnellement, j’ai une petite préférence pour la 2D car elle permet de faire des choses plus artistiques, tandis que la 3D est pour moi comme du stop-motion, comme la manipulation d’une figurine. Je crois d’ailleurs qu’il est temps d’aller plus loin en 3D car les films commencent à se ressembler aujourd’hui au niveau du visuel. J’attends avec impatience de voir ce que Glen Keane va pouvoir en faire dans son prochain film, Rapunzel.