mardi, juillet 31, 2007

RATATOUILLE : Entretien avec l'accordéoniste Frank Marocco

Ahh Paris !... French « couisine », French music….
C’est le décor romantique et fleur bleue du dernier petit trésor des studios Disney*Pixar, Ratatouille, qui nous ravit (virtuellement) les papilles, mais aussi les yeux, le cœur et… les oreilles. Car qui dit Paris dit… accordéon. Et Michael Giacchino, le compositeur du film, se devait de rendre hommage à la patrie de cet instrument à faire chavirer les cœurs.
Mais, fidèle à l’esprit de ce film plein de surprises, ce ne sont pas des clichés franchouillards qu’il nous impose. Non, c’est un accordéon aux mille couleurs et aux mille saveurs qu’il nous offre, à mi chemin entre Montmartre et le jazz « Saint-Germain-des-Prés ». C'est l'accordéon de Frank Marocco, spécialiste de jazz et de musique de film natif de l'Illinois, que nous avons rencontré et qui nous a emporté dans son sillage, à travers la musique Disney, à laquelle il a beaucoup contribué...

Comment êtes-vous arrivé dans le monde de la musique de film ?
J’ai débuté ma carrière en jouant un peu partout, voyageant sans cesse. Je ne soupçonnais même pas l’existence de ce monde. Pendant de nombreuses années, j’ai ainsi travaillé six jours par semaine dans des hôtels et des clubs. Dans les années cinquante et soixante, ce type de job vous assurait un travail à temps complet. C’est dans ce contexte que j’ai pu développer ma technique et mon style, tout ce qui fait un véritable musicien. Finalement, mon épouse et moi avons eu notre premier enfant et c’est là que j’ai décidé que, pour son équilibre, il fallait que je me fixe. Nous nous sommes dont installés à Los Angeles car j’avais décroché un contrat à l’hôtel Ambassador pour six mois. A partir de là, mon agent ne pouvant plus m’organiser de tournées, il a fallu que je trouve du travail par moi-même. L’accordéon étant encore très populaire à cette époque, j’ai commencé par donner des cours la semaine et à faire de l’événementiel (mariages, anniversaires, etc) le week end. Cela marchait très bien et j’ai commencé à me faire un nom dans le métier, par le bouche à oreille. C’est ainsi que je me suis rapproché des studios dans lesquels on enregistrait toutes ces musiques pour le cinéma, la télévision et la radio et que j’ai enregistré quelques petites choses pour la radio. En ce temps là, il y avait trois ou quatre excellents accordéonistes qui se partageaient l’ensemble des enregistrements de ce type, parmi lesquels Dominic Frontiere et Carl Fortina. Mes interventions ne furent donc qu’occasionnelles dans ce milieu, notamment sur Dr. Zhivago en 1965, mais rien de stable. Il a fallu que j’attende 1978 pour que ces artistes partent à la retraite et que ce soit mon tour. A partir de là, les sessions se sont enchaînées, que ce soit dans le cinéma, la radio, la publicité, etc. Je n’ai rien fait de particulier pour cela. C’est juste arrivé comme ça.


A l'écoute de vos prestations, on s’aperçoit qu’à travers l’accordéon, vous avez abordé énormément de styles différents.
Au cours de ma carrière, j’ai en effet touché à tout. Du classique à Astor Piazzola. J’adore le jazz, c’est ce pour quoi je suis le plus connu en dehors de la musique de film. Je me souviens tout particulièrement d’un festival à Modène auquel j’ai participé avec le grand Richard Galliano. C’est un immense musicien que je respecte beaucoup. J’ai aussi joué dans le style cajun ou « zydeco ». Au cours de mes voyages, je me suis fait beaucoup d’amis français, italiens ou encore russes et je me suis beaucoup nourri de leurs styles. Je peux ainsi puiser dans cette expérience et m’en inspirer en fonction des besoins de chaque musique de film. Et c’est exactement ce qui s’est passé sur Ratatouille.


Quels sont vos souvenirs de cet enregistrement ?
Ce fut à la fois difficile et passionnant car ce jeune compositeur qu’est Michael Giacchino a écrit des parties pour l’accordéon aussi magnifiques que virtuoses. J’ai joué pour lui sur deux autres projets. Il aime beaucoup l’accordéon et il sait comment bien écrire pour cet instrument.

Et dans des styles très différents !
On y trouve en effet du swing, un peu dans la veine de Django Reinhardt comme dans Colette Shows Him Le Ropes, un peu de musique sud-américaine et bien sûr de la musique française.


Pouvez-vous nous parler de l’enregistrement du Festin, la chanson du film, très « Frenchy » ?
En fait, on m’a demandé de revenir après l’enregistrement de la partition. La chanson était déjà enregistrée par cette chanteuse française, Camille, et ils ont trouvé que cela manquait d’accordéon. C’est ainsi que je suis venu me sur-ajouter, en « overdub », à la musique déjà enregistrée.

Le son de votre accordéon est particulièrement doux dans cette chanson. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
J’ai utilisé un accordéon qui a été fabriqué spécialement pour moi par le grand facteur Julio Giulietti. Je l’apprécie tout particulièrement pour sa douceur. Il apporte ainsi une couleur assez inédite et idéale dans cette chanson.


Quels sont les autres instruments que vous avez utilisés pour la partition du film ?
La plupart du temps, j’ai utilisé un accordéon en "voix musette" ("two-reed musette"), et parfois un accordéon basse et un accordéon « dry tuned ».

Avez-vous parlé de ces choix avec Michael Giacchino ?
Il m’a fait totalement confiance dans le choix des instruments. Je savais simplement qu’il fallait une couleur française. A partir de là, je me suis imprégné de son écriture musicale, qui est très éloquente, pour choisir quel instrument j’allais utiliser ici et là. Il est simplement intervenu sur des détails d’interprétation, mais par dans les choix d’instruments.

Vous parlez de couleur française. Comment joue-t-on « à la française » ?
Vous avez la chance de vivre dans un pays où les grands accordéonistes sont légions et où la tradition propre à cet instrument est très forte. Ils ont su populariser l’accordéon à travers des enregistrements dont je me suis nourri. Je pense à Richard Galliano, Marcel Azzola, Alain Musichini. J’ai aussi fait quelques festivals en France, notamment avec Yvette Horner. Quand j’essaie de jouer « à la Française », j’essaie simplement de retrouver ce son que j’aime tant. Les italiens ne sont pas mal non plus ! Je reviens d’ailleurs tout juste de Milan où j’ai participé à un festival avec le grand accordéoniste Simone Zanchini, avec qui je viens d’enregistrer un cd intitulé Be-Bop Buffet.


On retrouve d’ailleurs ce pont entre l’esprit français et l’émotion italienne dans Abandoning Ship.
Je suis tout à fait d’accord. Michael Giacchino est d’origine italienne et vous n’êtes pas sans ignorer la sensibilité des italiens ! C’est un morceau vraiment touchant, vraiment calme que j’ai beaucoup aimé jouer.


Un bateau que vous n’avez pas abandonné, c’est celui de Pirates des Caraïbes, puisque vous avez participé aux trois films de la saga…
Comme sur Ratatouille, j’ai utilisé trois accordéons différents pour cette saga. J’ai beaucoup aimé travailler avec Hans Zimmer. C’est quelqu’un de très agréable. D’autant plus que j’ai enregistré seul avec lui puisque l’essentiel de ma participation s’est fait en « overdub », c’est à dire qu’après avoir enregistré l’ensemble de l’orchestre, il lui a semblé qu’il fallait rajouter de l’accordéon ici et là, ce qui fait qu’il m’a appelé. Il a ainsi largement utilisé cet instrument tout au long de sa partition, mais il y a tellement de bruit et tellement d’action qu’on ne le distingue pas souvent !



L’accordéon peut aussi être très américain, avec des accents « country » comme dans Toy Story 2.
J’ai en effet fait quelques films comme cela : Toy Story 2, mais aussi Cars-Quatre Roues plus récemment, avec Randy Newman. Et chaque fois que je vais jouer dans ce style, je retrouve George. C’est le guitariste numéro un de Los Angeles et peut être du monde. Ce qui est amusant, c’est que je travaille avec Randy depuis 1984, depuis The Natural, avec Robert Redford, que nous partageons la même passion pour le jazz, et que jamais nous n’avons fait un film ensemble dans ce style !

Votre actualité, c’est aussi Enchanted/Il Etait Une Fois, dont la musique vient d’être enregistrée.
J’adore travailler avec Alan Menken. C’est quelqu’un de très agréable et de très talentueux. Comme beaucoup de compositeurs « Disney », il connaît son métier sur le bout des doigts, ce qui fait qu’il est très facile de le suivre dans chacun de ses projets. Je me souviens notamment de La Belle et la Bête et du Bossu de Notre-Dame, pour lesquels j’ai joué de la musette, encore très française. Il faut dire que le style français représente à peu près les trois quarts de ce qu’on me demande de faire. Sur Il Etait Une Fois, j’ai enregistré une chanson avec le célèbre guitariste George Doering, à mi-chemin entre l’Italie et la France dans le style.

Rien que pour Disney, votre parcours est impressionnant !
Et il faut ajouter aux musiques que nous venons d'évoquer mes participations à L’Etrange Noël de Mr. Jack avec Danny Elfman, La Planète au Trésor avec James Newton Howard ou encore Monstres et Cie et James et la Pêche Géante avec Randy Newman. Ajoutez à cela des collaborations avec des gens comme John Williams sur par exemple Indiana Jones et la Dernière Croisade. Ce sont le plus souvent de petites contributions car l’accordéon n’occupe guère le devant de la place dans les musiques de film, mais vous pouvez vraiment dire que j’ai été béni. Je prends cela comme un grand honneur et un grand plaisir !

Plus d'infos sur le site de Frank Marocco, www.frankmarocco.com

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ceci est un article très intéressant. Marocco franc a eu une carrière merveilleuse dans les films, la télévision, les publicités, les enregistrements, et l'étape de concert. Il est certainement un des musiciens les plus de jazz reconnus dans le monde. Il est aussi un compositeur et arranger fantastiques. Vous pouvez voir et pouvez entendre ses compositions sur son www.frankmarocco.com de site web

3:35 PM  
Anonymous Anonyme said...

Bonjour,j'aime l'accordéon je l'ai pratiqué pendant des années .Un gros problème personnel m'empêche d'en jouer le comble je travaille àDisneyland et j'ai assisté à de nombreuses projections de films sans savoir qui quoi où ...à chaques fois j'ai apprécié .Merci " Monsieur Frank MAROCCO "" un gros bravo !! Maintenant je sais je suis fière de cet instrument,pour moi il est mon bébé adoré .Il m'arrive de le réveiller chez moi entre nous c'est toute une histoire il est mon confident il me console me calme me détend .Je le garde jusqu'au bout avec son grand frère ((ils sont deux depuis peut )) ils font partie de ma vie...Je vous félicite pour votre travail merveilleux encore Merci et BRAVO !!! amitiés .

5:48 PM  

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