lundi, octobre 12, 2009

Le Prince et le Pauvre dans la collection Les Intemporels en DVD: Entretien avec le réalisateur George Scribner

Il est probable que jamais Mark Twain, écrivant Le Prince et le Pauvre en 1881, n'aurait pu anticiper que cette nouvelle serait un jour transposées par les Studios Disney en un dessin animé. Aurait-il aimé? Personne ne peut le dire, pourtant cela se pourrait bien car on ne peut que reconnaître que cette featurette créée par les studios Disney en 1990 figure parmi les dessins animés les plus réussies.

Pas seulement à cause du traitement à la fois amusant et délicat de la nouvelle, mais aussi parce qu'elle présente l'une des plus profondes et touchantes performances de notre cher Mickey Mouse, deux fois star dans le film. Après notre discussion sur le film Oliver et Compagnie, notre hôte pour la seconde fois (et nous en sommes ravis) est George Scribner, son réalisateur, qui discute avec nous de ce qui est probablement sa production préférée
.

Comment la production du Prince et le Pauvre a-t-elle commencée pour vous?
Je savais que de nombreux projets étaient développés au même moment, et qu'ils recherchaient toujours ce qui pouvait faire interagir les Fab 5 (Mickey, Donald, Dingo, Pluto et Minnie). Une fois que Bernard & Bianca au Pays des Kangourous obtint le feu vert et fut terminé, j'ai compris que Jeffrey Katzenberg voulait le sortir avec quelque chose d'autre, simplement pour lui donner plus de valeur. A cette époque, le Prince et le Pauvre n’existait que sous la forme d’un développement. Je l'ai lu et je l'ai beaucoup aimé. C'était vraiment un défi de mettre Mickey dans un cadre aussi profond sur le plan émotionnel.

En choisissant la nouvelle de Mark Twain, avec deux mickey, c'est deux fois plus de plaisir!
Cette idée vient du roman de Mark Twain qui relate les aventures de jumeaux. Une fois qu'on a décidé de le faire avec Mickey, Dingo et Donald, il fut très facile de doubler Mickey. C'était amusant car originellement, j'étais pour que Mickey ait un accent british dans sa version Prince, et une voix plus simple dans sa version Pauvre. Et Jeffrey a eu la bonne idée de proposer une autre approche en disant "non cela empêche véritablement les deux d'être identiques, ce qui justement, permet à l'un et l'autre d'échanger leur place". Et il avait raison. C'etait très facile en fait à réaliser puisque c’était déjà mis en place dans la nouvelle originale.


Comment pouvez-vous expliquer qu'après le Noël de Mickey ce soit de nouveau le format court métrage qui fut choisi ?
C'est vraiment une très bonne question, mais je n'en ai pas la réponse. Nous avons certainement pensé lorsque nous le produisions qu'il aurait pu être étendu à un long métrage. L'histoire a tellement de densité et de complexité que le film aurait facilement pu passer à 60-65 minutes, comme Les Trois Mousquetaires. Ca aurait très bien marché. Il y avait suffisamment de matériel dans l’histoire pour soutenir un moyen métrage. Je pense que cela a plus à voir avec les réalités de l'époque. Ils ne pouvaient pas juxtaposer au cinéma une diffusion de deux films l'un après l'autre, mais un petit film de quelques minutes avait une durée parfaite pour le public avant le grand film.
Qu'avez vous fait du script que vous avez reçu?
Le scénario était déjà bien avancé et bien finalisé au moment où je l’ai lu. En gros, les premières images sont restées intactes. Il y a eu quelques séquences qui ont été modifiées dans le milieu de film, ce qui fait partie du processus : vous remodelez et affinez constamment l’histoire. Finalement, certaines séquences d’action ont été étoffées et d’autres séquences ont été refaites, mais nous n’avons pas modifié la structure fondamentale du scénario. La structure de l’histoire était tellement bien posée et nous avions tellement de choses à travailler avant de commencer. Le film est devenu de mieux en mieux car la structure de base était parfaite. C’etait véritablement du « plussing » au fur et à mesure de notre avancée. C’est l’exemple parfait de ma propre philosophie en matière d’écriture : Un bon auteur peut gérer et résoudre la plus grande partie du travail de structure de l’historie. Et dans l’industrie du cinéma, particulièrement, un bon auteur fait toute la différence.

Pour moi le parfait exemple est la scène centrale, avec Mickey, ce tout petit personnage, dans la scène où le père du Prince décède. Je pensais : « Wouah c’est fantastique ! » Dans mon esprit, c’était clairement réalisable. Il y avait beaucoup d’argument comme : c’est juste Mickey. Est-ce qu’un tel personnage a suffisamment de profondeur ou est capable d’exprimer suffisamment d’émotion pour pouvoir lui faire porter le poids de cette scène ? Je pensais que nous pouvions le traiter de manière très subtile et très délicate. Et je pense que nous avons réussi. C’est pour moi la raison pour laquelle je voulais faire ça. « Whouah, pouvons nous en tirer quelque chose ? Ce serait génial ! » Nous avons passé deux ans et demi et nous avons réussi ! Je suis très fier de ce court métrage !

Comment avez-vous abordé cette scène en particulier ?
Tout d’abord, tout a été prévu dans l’histoire même. Puis j’ai travaillé avec l’animateur pour obtenir une performance correcte. Mais la structure émotionnelle était dans le déroulement de l’histoire originale. Ce n’était pas comme si nous avions tout créé ex-nihilo avec l’animateur. Tout était présent, dans les premières bobines, dans les premiers animatiques ; cette sorte de profondeur exactement mise en scène et avec le bon timing. L’animateur savait très précisément quelles poses devaient être prises. Je ne dis pas que l’animateur n’a pas fait de plussing, mais, dans cette scène en particulier, nous avons beaucoup travaillé pour avoir quelque chose qui fonctionne dans le temps imparti. Il n’y avait pas de scène sur-animée. On travaillait sur très peu de dessins. C’était plus la mise en scène qui évoquait ce qui se passait qu’une performance. On doit beaucoup au fait que Mickey baisse la tête et que la caméra se déplace sur la bougie qui s’éteint et meurt.


Comme vous deviez travailler avec les Fab5, et dans la grande tradition des dessins animés de Mickey, aviez-vous fait des recherches historiques pour vous aider à affiner la réalisation de votre film ?
Nous sommes allés voir des dessins animés très précis pour une chose : je voulais que les personnages ressemblent à ceux de la fin des années 30, le dessin le plus proche de celui de Freddy Moore. En particulier pour Mickey. Il avait tendance à être, je pense, un peu plus mignon, un peu plus court, un peu plus arrondi. J’ai beaucoup aimé les proportions que nous lui avons données. Donc nous sommes allés voir The Pointer et The Brave Little Tailor (ce dernier en particulier pour le rendu des couleurs). Nous voulions renouer avec cette esthétique. Je pensais vraiment beaucoup que ça lui donnerait une sorte de fraîcheur et que cela rendrait hommage au travail vraiment génial qui avait été fait, et, si on pouvait le plus possible s’en rapprocher, j’en serais vraiment heureux. Nous étions tous d’accord sur le fait que ce look était juste celui qu’il fallait pour véhiculer une telle histoire classique.

Avez-vous dû faire face à des défis techniques sur cette production ?
Non. C’était la dernière production qui devait être faite de façon traditionnelle. Tout était peint à la main, toutes les images étaient photographiées. Je ne pense pas que nous sommes passés par le CAPS pour photographier, car nous avons fait une très grosse partie de la production à Hollywood chez Dale Baer. Nous n’avions tout simplement pas la capacité de Bernard & Bianca au Pays des Kangourous pour utiliser le CAPS. Donc cela a été fait traditionnellement.

A propos de la musique, le choix de Nicholas Pike semble surprenant car il est plutôt connu pour ses bandes sons de films d’horreur ?
J’ai rencontré Nicholas et il m’a fourni quelques extraits de son travail. Pour le Prince et le Pauvre, nous cherchions quelques chose de plus jeune. Comme bien entendu le budget n’était pas celui d’un long métrage, nous avions certaines limites. Ce n’est pas quelque chose de mal, c’est juste la réalité de ce que nous avions pour créer le film. Donc en écoutant ses extraits, je les ai beaucoup aimés. J’ai pensé que cela pouvait apporter de la fraîcheur, quelque chose de différent car il est jeune. Dans mon esprit la musique que j’avais utilisé pour l’inspiration était les musiques des films L’Aigle des Mers et Anthony Adverse, des pièces que Korngold a écrite, là encore, en fin des années 30 début des années 40. Et cela semblait parfait pour le film. C’est pour ça que j’ai choisis Nicholas.

Il a prouvé qu’il était excellent. C’était quelqu’un avec qui je pouvais travailler. C’était très facile de travailler avec lui, car c’était un des premiers compositeur avec qui il était possible de s’asseoir, comme un animateur ou un peintre, et de travailler avec des extraits et des exemples avant l’orchestration finale de ses morceaux. Je devais aller chez lui. Nous faisions des repérages, avant d’aller plus loin. J’allais tous les après midi après le travail pour écouter ce qu’il avait fait. Avec tous les extraits numériques, vous pouviez vraiment écouter toutes les notes du morceau avant d’aller à l’enregistrement final. Maintenant c’est assez courant, mais il était très en avance sur son temps.

Et à propos du pastiche de Rigoletto pour la chanson de Mickey ?
C’était juste un petit gag simple et amusant. Nous avions été réunis sur cette chanson et nous avons trouvé cette idée qui nous semblait sympa. Et Jenny Tripp a écrit les paroles sur ce morceau.

Simple mais très efficace. D’autant plus que l’idée de parodier une pièce d’opéra a été reprise dans les Trois Mousquetaires.
En fait le coordinateur de la production du Prince et le Pauvre était Donovan Cook, le réalisateur des Trois Mousquetaires. Je n’en sais rien, mais peut-être qu’il avait aimé.

De l’histoire, à la direction artistique en passant par la musique, Le Prince et Le Pauvre est certainement un des courts métrages de Mickey les plus charmants.
Merci beaucoup. Une grande partie de cela est due aux personnages. C’était si amusant de travailler avec eux. Vous n’êtes pas assis, perdant une année de votre temps, en essayant de vous demander qui sont vos personnages. Dans ce cas, parce que les personnages sont déjà bien connus, vous n’avez pas à expliquer qui ils sont. Et nous avions des auteurs merveilleux qui travaillaient dessus. Travailler avec ces personnes amusants est toujours un grand plus. C’était réellement un plaisir. Il y a eu des moments difficiles pour réussir à rendre le produit dans les délais et dans le budget. C’était difficile mais c’était très amusant !

Est-ce que ce rapport profond avec les Fab5 vous a aidé dans votre travail pour les parcs à thème comme Philharmagic ?
Absolument. Comme je disais, nous avions fait beaucoup de recherche et cela m’a servi pour les 20 dernières années. J’ai utilisé ça dans tous les travaux que j’ai effectués à Imagineering. Je sais d’où viennent toutes les scènes et je peux vous les citer. « C’est un super gag. Je m’en souviens dans The Pointer, il font pareil. Pourquoi ne l’utiliserions nous pas ici ? » Vous construisez une accumulation de mémoire institutionnelle que vous apportez dans tous les projets que vous réalisez dans le présent.

20 ans plus tard que ressentez vous à propos du Prince et le Pauvre ?
Je suis réellement extraordinairement fier de ce court métrage, et dans une certaine mesure je le préfère à Oliver et Compagnie, car j’ai pu le réaliser exactement comme je le pensais. J’ai eu une grande latitude. Pour finir, c’était vraiment une expérience enrichissante, et nous avions fait tout ce que nous avions prévu de faire. Je n’ai pas le poster d’Oliver et Compagnie dans mon bureau, mais j’ai celui du Prince et le Pauvre. Il y a quelque chose avec ce dessin animé qui fait que je reste sentimentalement très prochede lui.

Avec toutes nos amitiés à George Scribner et nos remerciements à Scrooge pour la traduction!
George Scribner est aussi un peintre de talent, aux sujets allant de Disneyland à son Panama natal. Retrouvez ses toiles sur Disney Central Plaza!