dimanche, mars 07, 2010

SISTER ACT - A DIVINE MUSICAL COMEDY: Entretien avec le superviseur musical Michael Kosarin

En 1982, une toute nouvelle comédie musicale résonnait au WPA Theater de New York. A une époque où Broadway peinait à se renouveler, La Petite Boutique des Horreurs d'Howard Ashman et Alan Menken proposait pour la première fois une authentique comédie musicale, mais basée sur des idiomes empruntés au rock'n roll. Ils prouvaient ainsi qu'il était possible de faire en sorte de raconter une véritable histoire sur un bon vieux rock.

27 ans plus tard, tandis que Madonna faisait appel à des samples d'Abba et que les producteurs de Broadway cherchent à renouveler –une nouvelle fois- le genre en faisant appel aux mêmes tubes suédois, il était temps que quelqu'un fasse vraiment acte de création en la matière!
Et ce fut une nouvelle fois Alan Menken! Avec sa dream team –Glenn Slater et le directeur musical Michael Kosarin-, il s'est tourné cette fois vers les idiomes des années 70/80 empruntés au disco, au funk et à la soul, pour raconter une nouvelle histoire pleine de sens.

En effet, Sister Act - A Divine Musical Comedy, qui triomphe actuellement au Palladium de Londres, n'est pas seulement un spectacle débordant d'émotions et d'énergie, mais se veut une véritable parabole sur la rédemption et la possibilité de changer sa vie.

On y retrouve donc l'histoire bien connue de Deloris Van Cartier qui devient, bien malgré elle, témoin d'un meurtre. Ce qui lui vaut d'être intégrée au programme de protection des témoins et de se retrouver placée… dans un couvent!
Aussi à son aise au départ qu'un poisson hors de l'eau, elle va finalement trouver sa voix en apprenant le chant à ses sœurs et en insufflant une vie nouvelle à cette communauté sur le déclin, qui à griller sa couverture. Le gang va donc retrouver sa trace, mais c'est sans compter sur sa nouvelle famille…

Sister Act - A Divine Musical Comedy sort de l'ordinaire à plus d'un titre, et c'est précisément ce dont nous avons parlé avec son superviseur musical (qui se double d'être un collaborateur fidèle d'Alan Menken et une figure reconnue de Broadway), Michael Kosarin.


Comment est née la comédie musicale de Sister Act?
Cela remonte à quelques années, déjà. Glenn Slater et Alan Menken ont été approchés il y a un certain temps à ce propos. A cette époque, ils travaillaient déjà sur une autre comédie musicale appelée Leap of Faith, dans le style gospel. D'ailleurs, nous allons lancer ce spectacle l'année prochaine, mis en scène par Rob Ashford. Nous devons le faire tourner un peu en Amérique avant de rejoindre Broadway. Ce sera une passionnante partition gospel! Or, le film original Sister Act était basé sur le gospel dans la mesure où c'était le style que devaient chanter les sœurs. De leur côté, Glenn et Alan voulaient faire les choses différemment. C'est alors qu'est venue l'idée d'en faire une comédie musicale disco. L'action a alors été transposée dans les années 70 et de Reno, nous sommes passés à Philadelphie.

Bizarrement, Disney n'en est pas le producteur.
Disney en possède les droits. Par conséquent, c'est un partenaire, mais discret. Mais ce n'est pas une production Disney proprement dite. Le producteur est Stage Entertainment, que vous devez connaître pour être une grande maison de production européenne.



En quoi consiste le rôle de superviseur de la musique de la comédie musicale de Sister Act?
C'est à peu près le même que pour toutes les production d'Alan. Il me donne ses chansons et j'en fait des arrangements tant du point de vue des accompagnements que des parties vocales. Dans ce cas précis, ce fut très intéressant car il ne s'agit pratiquement que de voix féminines, ce qui constitue un véritable challenge. Les arrangements pour voix masculines sont très peu nombreux. Deux ou trois à peine. Il y a le grand finale et deux autres numéros, mais en général, il s'agit vraiment d'écrire pour un chœur féminin. C'est à la fois impressionnant et excitant car cela demande encore plus d'imagination pour produire des arrangements toujours intéressants pour un seul type de voix. Donc, j'écris ces arrangements, puis je les passe à l'orchestrateur. J'écris également la partition, la musique instrumentale. Par exemple, je compose l'introduction des chansons, partant d'un dialogue, ainsi que la conclusion.

La Petite Boutique des Horreurs (dont vous avez supervisé la dernière version il y a quelques années) et Sister Act sont toutes deux basées sur l'idée d'écrire toute une musique de comédie musicale en faisant appel à un langage issu de la musique pop. Pouvez-vous me parler de cet aspect fondamental de l'écriture de ces deux productions?
On part en effet d'un style et d'un format créé originellement pour la radio. Pour Sister Act, par exemple, il y a du disco, du funk, du mowtown et des éléments empruntés également à la comédie musicale classique. Dans ce cas, nous avons dû faire en sorte que tous ces styles cohabitent comme s'ils appartenaient au même univers. Doug Besterman est notre orchestrator et j'ai travaillé avec lui pour faire en sorte que nos 16 musiciens jouent des parties qui sonnent comme si elles venaient de la même palette et que toutes les chansons se répondent entre elles du point de vue du style. Comme je le disais, tous ces styles ont été créés pour être entendu à la radio et nous avons dû les adapter pour être plus dramatiques, plus théâtraux, pour les besoins de la scène, qui ne sont pas ceux de la radio. Les versions radio sont ainsi plus fournies tandis que les versions théâtrales doivent laisser plus de place à la voix, tout en étant intéressantes du point de vue orchestral. Ce fut donc un challenge que d'adapter tous ces styles pour la scène, de trouver des moyens de faire en sorte qu'ils participent à ce qui est joué sur scène.



En matière de musique des années 70, quelles furent vos références?
Nous avons écouté Donna Summer, The Pointer Sisters, the O'Jays, the Spinners, Wild Cherry, the Village People, puis, pour le son des chansons des hommes, du Barry White et des Floaters. Enfin, pour le grand finale, nous nous sommes tournés vers Kool & the Gang. Nous avons écouté pas mal de choses en solo ou en groupe pour nous imprégner de ce son bien particulier.

Si La Petite Boutique des Horreurs étaient plus parodique, Sister Act semble plutôt du côté du pastiche.
C'est cela. Je ne pense pas qu'il y ait de la parodie dans Sister Act. Simplement, par moment, in clin d'œil délibéré. Le but en est de faire en sorte que l'auditeur sache bien dans quel univers il se trouve dans l'espace et le temps, et sur quel rythme dansent nos personnages. Par exemple, il y a quelques références à Shaft, mais c'est pour planter le décor.



Sister Act ne fait pas appel qu'au disco. On y retrouve, comme vous le mentionniez tout à l'heure, des éléments empruntés à la comédie musicale classique, notamment autour du personnage de Sœur Mary Robert.
Le disco sert de cadre. On l'utilise notamment au moment où les religieuses apprennent à chanter. Quand on passe à des chansons plus en lien avec l'histoire, des "book songs", ce sont des styles différents qui entrent en jeu. C'est ainsi que, lorsque Sœur Mary Robert chante ce qu'elle ressent du plus profond de son cœur, nous nous sommes tournés vers un style plus traditionnel parce que, quand c'est le cœur qui parle, il n'est pas question de décorum.

Comment avez-vous déterminé le style de chaque chanson?
C'est avant tout la prérogative d'Alan. Tous les créateurs, compositeur, parolier et auteurs se sont concertés et ont réfléchi au style le plus adéquat pour chaque chanson, puis nous en avons discuté avec Alan. Ce fut essentiellement son choix. Certains choix furent déterminés par les personnages, comme les chansons de Sœur Mary Robert. Mais d'autres ont été déterminés par la situation. Par exemple, il y a trois poursuites dans le spectacle, et c'est là qu'il y a une touche de Shaft. Il y a donc un certain équilibre entre les styles liés à des personnages et des styles liés à des situations.



Quelle est votre chanson préférée dans ce spectacle?
Sincèrement, cela change tout le temps. Le plus souvent, c'est celle sur laquelle je travaille. Sinon, quand j'assiste à une représentation, j'aime surtout voir le public réagir et apprécier une chanson. Ma préférée, c'est celle que le public aime car le meilleur moment est pour moi que je vois les gens prendre du plaisir.

Pour vous, qu'est-ce qui fait de Sister Act une comédie musicale pas comme les autres?
Ce qui m'a passionné et m'a poussé à me dépasser, c'est d'abord le type de musique, auquel je n'ai pas souvent l'occasion de me frotter. C'est d'ailleurs la première fois que je travaille sur du disco et ce fut donc une merveilleuse opportunité. Cela m'a poussé à trouver des moyens originaux d'écrire des arrangements de grande ampleur qui soient exaltants et uniques à la fois. Et puis, il y a, comme je vous le disais, le fait que ce soit une partition essentiellement féminine. Tout cela en a fait un projet très original et vraiment passionnant!


Sur quoi travaillez-vous maintenant?
En ce moment, je me consacre presque exclusivement à Rapunzel pour Walt Disney Pictues. C'est encore une collaboration entre Alan Menken et Glenn Slater et c'est un film en animation par ordinateur et 3D qui va sortir dans un peu plus d'un an. Tout va très vite. Les chansons viennent juste d'être finies et je travaille sur les arrangements. Mandy Moore va en être la star en tant que Rapunzel. Ce sera une partition différente pour Alan. Dans le style des guitaristes auteurs compositeurs. Alan est en train d'écrire une musique absolument magnifique. Ce que nous avions fait sur Il Etait une Fois était plus de l'ordre du pastiche. Cette fois-ci, ce sera vraiment quelque chose de nouveau, avec une palette sonore totalement différente de ce que vous connaissiez avec La Belle et la Bête et La Petite Sirène. C'est un grand plaisir d'être de la partie! C'est mon projet principal à l'heure actuelle. Nous avons également Leap of Faith qui va ouvrir l'été prochain et sur lequel nous travaillons également. Et puis, il y a un certain nombre de projets personnels. J'accompagne la légende de Broadway Barbara Cook pour une série de concerts autour du monde: Belfast, Londres… et ici, à New York, je suis en train de concevoir un spectacle pour Jane Krakowski, que nous allons faire dans le cadre de la Barbara Cook Broadway Series du Kennedy Center, puis au Feinstein's. J'ai enfin deux autres projets avec Alan Menken, mais il est encore trop tôt pour vous en parler pour le moment. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous allons faire venir la comédie musicale du Bossu de Notre Dame sur le sol américain –il le mérite vraiment! La version de Berlin était incroyable! Et je travaille également sur une version scénique de Newsies. Quand vous verrez qui sont les artistes qui vont y participer, vous n'allez pas le croire…