jeudi, juin 17, 2010

LA PRINCESSE ET LA GRENOUILLE EN BLURAY (Part. 1): Entretien avec les réalisateurs John Musker et Ron Clements


Pour quelle raison avez-vous choisi La Nouvelle-Orléans pour cette histoire? Y a-t-il un quelconque rapport avec Katrina?

Ron Clements; En fait, l'idée de placer l'histoire à La Nouvelle-Orléans vient de John Lasseter, et il avait fait ce choix plusieurs années avant Katrina. La raison en est qu'il aime cette ville et pensait qu'elle serait un bel endroit pour placer un film d'animation. Quand John a pris la tête de Disney Animation en février 2006, il a demandé à John Musker et moi d'envisager l'idée de placer le conte de fée "Le prince Grenouille" à La Nouvelle-Orléans. Nous lui avons présenté le récit qui fut la base du film. C'était à peu près huit mois avant Katrina. John Musker et moi-même avons visité La Nouvelle-Orléans pour la première fois peu de temps après, et nous avons été aux premières loges pour assister aux terribles conséquences laissées par Katrina. Nous voulions vraiment faire tout notre possible pour aider la ville à se remettre.


Pourquoi avez-vous fait le choix de partir de l'histoire du "Prince grenouille" et de la transposer ainsi?

Ron Clements; John Lasseter nous a demandé d'étudier le conte de fée "Le prince grenouille" et de le situer à La Nouvelle-Orléans. Nous avons aimé l'idée de faire un conte de fée à l'américaine, et le lieu du récit suggérait l'utilisation d'éléments comme le Vaudou, la culture afro-américaine et la musique. La plus grosse particularité, changer l'héroïne en grenouille lors qu'elle embrasse l'animal, vient d'un conte pour enfant appelé La princesse grenouille, de E.D. Baker, dont Disney a acheté les droits en 2003. Beaucoup des personnages de notre version, dont Mama Odie, Tiana et Ray la luciole Cajun sont inspirés de personnes réelles que nous avons rencontrées dans nos voyages de recherche à La Nouvelle-Orléans. D'autres particularités ont été introduites par le désir d'utiliser les icônes et archétypes de conte de fée à la Disney, tout en jouant avec eux pour faire un film rafraîchissant.


Quelle importance a John Lasseter dans le monde de l'animation, pour vous?

Ron Clements; Tout le monde est différent, mais John Lasseter est stimulant, il donne de très bons avis, et a une passion et un enthousiasme immenses pour l'animation. C'est difficile pour moi d'imaginer une meilleure personne pour qui travailler.


Combien de temps cela prend-il de terminer un film de ce genre?

Ron Clements; Nous avons présenté l'histoire du film à John Lasseter en Mars 2006. Nous avons commencé à travaillé sur un premier script à l'été de cette même année. Le développement visuel a commencé rapidement après ça et les musique, le casting vocal et les storyboard ont commencé à l'automne. Des expérimentations d'animation ont commencé au printemps, suivi par la colorisation. En tout, il faut compter trois ans et demi du début à la fin, ce qui est relativement rapide pour ce genre de film.


Mark Henn m'a expliqué que le style et la personnalité des différents personnages ont été décidé pendant un week-end dans un complexe hotelier. Comment et pourquoi avez-vous choisi cette façon de créer les personnages? Pensez-vous que cette façon de faire était plus stimulante?

John Musker; Parfois quand on développe ces films, nous enfermer dans un environnement différent nous aide à nous concentrer et à nous couper de toute distraction. Il n'y a pas UNE bonne façon de faire, mais la notre était très collaborative et nous a beaucoup aidé je pense. Et puis ensuite vous sortez dans ces magnifique paysages de Ojai et vous rêvez de jouer au golf.


Étant donné que les films Disney subissent un très long processus de modification du script, à quel point l'histoire du film est-elle différente de la toute première version que vous ayez présentée?

John Musker; Ce film est relativement similaire à la première version que nous avons présentée à John Lasseter il y a quatre ans. Pour ce qui est des différences, le personnage du père de Tiana tenait un plus grand rôle, et son rêve d'ouvrir un restaurant était plus celui de son père. Au début, Louis l'alligator était en fait un humain, un comptable qui rêvait de devenir un grand jazzman. Facilier a réalisé son rêve mais lui a joué un sale tour en le transformant par la même occasion en alligator. Quelques noms ont changé: Le Dr. Facilier s'appelait à l'origine Dr. Duvalier mais nous avons voulu éviter la confusion avec le dirigeant d'Haïti qui porte aussi ce nom. Quelques morceaux de musique ont évolué: A la base, la chanson de Louis parlait de sa passion pour le jazz. Mais nous avons pensé que ce serait mieux d'avoir les trois personnages dans cette chanson, et de mettre en avant leur différences de personnalités et d'aspirations.


Combien de fins différentes avez-vous envisagé pour La Princesse et la Grenouille, et pouvez-vous nous parler des fins alternatives?

John Musker; La fin du film est celle que nous avions prévu dès le début. L'idée qu'ils se marient en grenouilles, s'embrassent et redeviennent humains était déjà dans un ancien script écrit par Greg Erb et Jason Oremland. Nous avons aimé cette chute et avons toujours eu l'intention de la garder. Du point de vue musical, nous pensions à un final en chanson dans le restaurant de Tiana, mais nous avons eu différentes idées. C'était l'idée de John Lasseter de reprendre La Nouvelle-Orléans, et que Tiana en chante une version plus enjouée. Nous avons aimé l'idée. On a donc remis Tiana sur le devant de la scène, et cela montre à quel point Naveen l'a changée car elle chante et montre ses émotions en public. Nous avions aussi une scène en tête avec un duel entre Mama Odie et Facilier, mais nous l'avons abandonnée car on ne pouvait pas y inclure les personnages principaux. Une autre scène montrait la magie de Facilier se retourner contre lui. Il était transformé en mouche, et gobé par une grenouille. Il y a également eu un projet d'invasion de grenouilles à mardi gras, tirée d'une autre scène où Facilier propose au père de Charlotte d'organiser un concours du meilleur plat de grenouille, afin de débarrasser le bayou des batraciens.


A quel point Cendrillon a influencé l'histoire de La Princesse et la Grenouille?

John Musker; Cendrillon a certainement fait partie de nos influences pour La Princesse et la Grenouille. Parce que au sens large, c'est une histoire de Cendrillon, une histoire d'opprimée, de jeune fille qui troque sa tenue de travail contre une robe de bal. Et plus précisément, la scène de la parade de Mardi Gras est inspirée du bal de Cendrillon. Mama Odie est un peu notre marraine la bonne fée du bayou. Nos designers, comme Ian Gooding ou plus particulièrement Lorelay Bove, sont de grands fans de Mary Blair, la célèbre designer qui a eu un grand impact sur les films Disney des années 50. J'ai vu Cendrillon un grand nombre de fois quand je me préparais à étudier à Cal arts, et j'étais impressionné de voir à quel point ce film est divertissant, et l'est toujours.



Des films comme Shrek font référence à de multiples cultures différentes. La Princesse et la Grenouille fait référence à des éléments de l'histoire Disney, mais d'une façon bien particulière. Quel usage avez-vous fait de ces références?

Ron Clements; J'adore Shrek, mais dans notre film, nous sommes volontairement restés fidèles à l'époque de l'histoire, et n'avons fait aucune référence aux temps modernes. Comme vous l'avez remarqué, nous avons quelques clins d'oeil à des films Disney plus anciens, pas vraiment dans un but humoristique, mais plus en hommage à l'héritage Disney, tout en lui donnant une perspective nouvelle.


Il y a un certain nombre de clins d'oeil dans le film: Le tramway A113, le groupe Firefly Five Plus Lou... Avez-vous tous les deux participé à ces clins d'oeil, où l'un d'entre vous est-il le blagueur attitré? Lequel est votre préféré?

John Musker; J'ai été élève à Cal arts en même temps que John Lasseter et Brad Bird, parmi tous mes talentueux autres camarades. Nous étudiions l'animation dans la salle A11, et j'ai toujours voulu mettre une référence dans mes projets qui rappelle mon affinité avec eux. La référence aux Firehouse Five vient de nous deux, je crois. Mais je ne me rappelle plus si c'était Eric Goldberg qui a pensé au "Plus Lou" à la place du "Plus two". Nous avons tous les deux vu Frank Thomas jouer au piano, et nous voulions lui rendre hommage. Je voulais aussi caricaturer certains de nos collègues dans des personnages, et les admiratrices du prince sont en fait basées sur Ali Norman, Jen Kilger, Shanda Williamson, Elissa Sussman et Lorry Shea, toutes des femmes qui ont travaillé dur sur cette production.


C’est la première fois qu’un de vos films sort en Bluray. Qu’en pensez-vous ?

Ron Clements; La qualité de l'image est impeccable. Encore meilleur que ce que la plupart des gens pourront voir au cinéma. Et les bonus sont très amusants. John et moi étions particulièrement enthousiastes à l'idée que le Blu-Ray contienne l'intégralité du film en dessin au crayon, en plus de la version couleur. Pour les férus d'animation, c'est une super opportunité de voir ce processus comme peu de gens peuvent le voir.



Parfois le Blu-ray est décrit comme de trop haute résolution, et certains pensent que cela dessert la qualité de certains films.

John Musker; J'aime la version Blu-ray, et les Blu-ray pour Pinocchio et La Belle au Bois Dormant sont extraordinaires. Je recommande le Blu-ray à tous ceux qui cherchent la meilleure version du film. En plus, il possède une version entière du film au crayon. Pour les étudiants en animation et les fans, c'est une chance unique de voir le film comme il était avant d'être terminé

Ron Clements; Dans le cas de dessin animés modernes, tout le travail final sur la couleur que nous faisons est dans une très haute définition et dans un format numérique. C'est dans ce format que le film est projeté dans les salles numériques, et c'est la façon idéale de le voir. Sur les bobines, il n'y a pas autant de résolution et de détail que dans le format numérique. Pour cela, le Blu-Ray est le format qui s'approche le plus du format idéal du film.


Est-ce-que ce film est une réaction à la grande mode des films 3D en images de synthèse?

John Musker; Pas vraiment. Nous aimons l'animation traditionnelle, mais nous aimons aussi beaucoup les films en image de synthèse. Nous avons juste pensé que pour ce film et l'histoire qu'il raconte, la chaleur et l'expression que dégage l'animation à la main étaient idéales.


Constatez-vous une différence dans la manière dont les gens s'identifient avec ce genre d'animation, par rapport aux techniques modernes et numériques? Pensez-vous que l'animation traditionnelle a toujours sa place dans un monde ou règne les technologies 3D?

Ron Clements; Je l'espère en tout cas. Les nominations pour l'oscar de meilleur film d'animation étaient intéressantes cette année, car elles contenaient deux films en stop motion (Coraline et Fantastic Mr. Fox), un film numérique ("Là haut"), et deux films animés à la main (notre film et Brendan et le secret de Kells). C'est bien de voir cette diversité. Ils représentent tous vraiment une diversité de techniques, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'utiliser la même technique sur chaque film.

Vu son caractère 2D, pensez-vous que l'animation à la main est un frein dans un monde où la 3D s'impose?

John Musker; Bonne question. La Belle et La Bête a été retravaillée et convertie en 3D, on verra quelles seront les réactions. Je ne pense pas que tous les films vont prendre le chemin de la 3D. Il faut aussi voir si le public voit la 3D comme une mode qui va passer ou comme quelque chose qui va rester.

Pourquoi "La Princesse et La Grenouille" a été animé à la main, plutôt que par ordinateur?

Ron Clements; Tous les films que John Musker et moi avons dirigé étaient des films d'animation traditionnels. Nous adorons ce médium et nous étions très peinés de voir Disney l'abandonner il y a quelques années. Heureusement, même s'il a eu beaucoup de succès avec des films animés par ordinateur, John Lasseter adore l'animation à la main autant que nous. Quant il a pris la responsabilité de Disney Animation il y a quatre ans, il souhaitait fortement réintégrer cette technique. L'histoire du film semblait être idéale pour cela, avec son côté conte de fées classique, sa richesse, son romantisme, sa chaleur et la magie qu'elle dégage.

Qu'est ce que cela vous a fait d'être les réalisateurs d'un film qui allait remettre sur le devant de la scène l'animation traditionnelle?

Ron Clements; Nous adorons l'animation traditionnelle Disney et étions très content de la voir revenir chez Disney. C'était super de travailler avec les meilleurs artistes et animateurs sur un sujet qui leur permettrait d'exprimer tout leur talent. Les compétences liées à cette forme particulière d'animation sont rares et prennent beaucoup de temps à maîtriser. La plupart du temps, le savoir est passé du maître à l'élève, les plus expérimentés transmettant leur savoir aux plus jeunes. C'était vrai sur ce film, et c'était génial de voir une nouvelle génération tout droit sortie de l'école s'impliquer dans ce film.


La Princesse et La Grenouille était un mélange d'experts en animation traditionnelle et de débutants. En quoi cela a-t-il impacté le travail d'équipe?

John Musker; C'était un bon mélange. Les anciens épaulaient les jeunes animateurs, et les jeunes ont de fortes compétences qui ont apporté un côté moderne. Nous-mêmes, nous avons été formés par les "9 old Men", les légendaires animateurs. Ron a travaillé avec Frank Thomas qui a animé les sept nains, Bambi et Capitaine Crochet entre autres. J'ai travaillé avec Eric Larson qui a animé Figaro, le chat de Pinocchio, et Peggy de la Belle et le Clochard. Une des meilleurs façons d'apprendre l'animation est cette relation maître-apprenti, quand les plus expérimentés transmettent leurs connaissances. L'enthousiasme des jeunes arrivants nous amenait la joie et l'envie de donner vie à nos dessins. C'est une compétence un peu à part, que peu de gens maîtrisent, mais c'est l'une des combinaisons les plus gratifiantes d'art, de dessin, de comédie et de divertissement.


Qu'est ce qui a changé en termes de techniques et de façon de travailler sur un film 2D depuis La Petite Sirène ou Aladdin?

John Musker; Les techniques principales sont relativement similaires. La Petite Sirène était le dernier film a utiliser les cellulos et où les personnages étaient peints avec de la peinture réelle et non numérique. Sur ce film, nous avons animé les personnages sur papier, comme dans La Petite Sirène et Aladdin. Mais pour la première fois nous avons fait les effets d'eau, de magie et d'ombre sans papier. Ils étaient réalisés avec un stylet sur une tablette électronique.

Ron Clements; Il y a plusieurs innovations. En terme d'agencement (mise en scène, lumière et cinématographie), nous avons fait quelque chose de nouveau sur ce film. Nous avons agencé chaque séquence en terme de mouvements et de lumière et des formes basiques pour les personnages, sans aucune animation. C'est quelque chose que John Lasseter a ramené de Pixar, et ça a été un outil très utile pour nous aider à pré-visualiser le film de façon très spécifique. Nous avons aussi de nouvelle technique de coloration, qui nous permettaient de voir des scènes complètement colorées, tout en étant libres de faire des changements significatifs. Nous avons fait des essais d'animation sans papier (les animateurs dessinent sur une tablette numérique), mais avons eu quelques problèmes avec cette technique que nous ne sommes pas parvenus à régler. Cela dit, tous les effets (eau, fumée, magie...) ont été faits sans papier.


Quelle est la scène dont vous êtes le plus fier?

John Musker; La chanson Mes amis de l'au-delà était très complexe à faire en terme d'animation, avec la magie, les cartes de tarot, le choeur de poupées vaudou et toute la chorégraphie. Nous sommes satisfaits du rendu et du travail effectué par l'animateur de Facilier Bruce Smith, par le danseur Dominique Kelly, par les effets de Marlon West et par la couleur de Ian Gooding.




Prochainement, la suite de cet entretien, avec la présentation de l'ensemble des personnages du film.

Merci à Doriane (La Boîte) et à Angeline!

2 Comments:

Anonymous Alex said...

GENIAL!!!!!

3:57 PM  
Anonymous Anonyme said...

In it something is. I thank for the information. I did not know it.

10:48 AM  

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