jeudi, avril 24, 2014

KUZCO, L'EMPEREUR MEGALO EN HD : Entretien avec le compositeur John Debney



Vous êtes arrivé de manière un peu précipitée sur Kuzco, l’Empereur Mégalo.
Marc Shaiman devait composer la musique, mais a quitté le projet à la dernière minute. On ma appelé trois semaines seulement avant lenregistrement et on ma demandé de composer une musique totalement nouvelle. Ce film est extrêmement drôle, une véritable bouffée dair frais pour Disney et jai adoré ce projet ainsi que son équipe créative. Mark Dindal et Randy Fullmer ont créé un film tellement irrésistible et inoubliable. Ce fut une joie dy participer.

Et sans doute une consécration pour vous d’avoir à mettre en musique un film d’animation Disney !
Kuzco, l’Empereur Mégalo est en effet mon premier long métrage animé, mais jécris de la musique pour lanimation depuis presque quinze ans. Jai commencé avec Hanna-Barbera, puis Warner Bros (Tiny Toons), puis finalement Disney. Je me sens à laise en composant pour lanimation. Cest un genre très spécifique et très exigeant. Il sagit par conséquent dun type de musique plus difficile à écrire. On a lhabitude de dire aux Etats-Unis quécrire pour lanimation est ce qui sépare les hommes des garçons. Lart de lanimation est bien plus délicat que la plupart des musiques de films en prises de vue réelles.

Fort de cette expérience, vous avez pu marquer le film de votre empreintre en dépit des délais.
Avant que jarrive, le concept musical était différent. Jai choisi pour ma part une approche légèrement différente de celle de Marc. Par endroits, sa musique était plutôt classique et, par moments, elle avait une influence Latino/Jazz. Je ne voulais pas composer une partition latino. Cependant, je voulais vraiment utiliser cette influence. En fait, mon utilisation de la guitare est juste une allusion à la situation géographique de lhistoire. Finalement, léquipe créative du film et moi-même avons opté pour une partition classique inspirée des premières musiques de dessins-animés de Disney.

Le Jazz est aussi très présent.
J’ai une passion pour le Jazz et la musique classique, et jemploie régulièrement des éléments des deux dans ma musique. Cest tout à fait délibéré et je trouve cela très amusant. George Bruns, le compositeur des classiques Disney allant de La Belle au Bois Dormant à Robin des Bois, était un compositeur fabuleux et malheureusement sous-estimé. Je trouve également la partition de La Belle et le Clochard fantastique. Vous retrouvez ces influences notamment dans Run Llama Run. Pour ce moment, les créateurs du film voulaient un air jazzy dans le style de Sing, Sing, Sing. Je me suis beaucoup amusé à écrire cette pièce. Les solos de clarinette furent magnifiquement interprétés par Gary Foster dans le style de Benny Goodman.



Il est particulièrement difficile de manier l’humour en musique. Comment y êtes-vous parvenu avec tant de succès, à travers notamment le recours au pastiche ?
Il faudrait un livre entier pour traiter de lhumour en musique. En bref, je dirai que la musique peut tout à la fois relever lhumour ou bien le détruire si elle est pauvrement écrite. Cest une question de timing et de degré. Vous évoquez le pastiche. Il se trouve que mes compositeurs de musique de film préférés sont John Williams, Jerry Goldsmith, Alan Silvestri et beaucoup dautres. Pour la musique classique, je citerai Debussy, Ravel, Rimsky Korsakov, Stravinsky et Aaron Copland. Jaime tellement de musiques différentes que jinclus souvent toutes sortes de références dans mes partitions, parfois intentionnellement, parfois inconsciemment. Jessaie toujours de progresser en tant que compositeur et jétudie énormément de partitions et de styles de musique. Je mefforce de rester toujours au courant de ce qui se fait. John Williams est ce que nous, en tant quartistes, aspirrons à être. Lui et Jerry, selon moi. Jai ainsi glissé quelques références à Star Wars dans la musique de Kuzco. Par exemple, dans Escape, lorsque Kuzco et Pacha séchappent du restaurant.

On retient de Kuzco, l’Empereur Mégalo ses deux thèmes principaux, celui de Yzma, sous forme de tango, et un autre thème, plus émotionnel, tiré de la chanson de Sting, My Funny Friend and Me.
Pour Yzma, jai choisi un tango afin de représenter la façon sensuelle, passionnée et un peu folle dont elle se voit elle-même, ainsi que son ambition. Sans doute le tango est-il une extension de son ego et de la manière dont elle se perçoit (un tango un peu retro, un peu daté, presque opératique). A lorigine, les créateurs du film pensaient le faire commencer avec un morceau qui serait comme une parodie de film noir. Quelque chose de si outré que le public aurait su tout de suite que le film se moquait de lui-même. Lorsque nous avons visionné cela au studio, je me suis rendu compte que cette pièce, bien que drôle et sombre à la fois, ne renvoyait à rien dans ma partition. Cest pourquoi jai pensé que ce serait amusant de créer une ouverture sombre, presque « frankeinsteinienne », mais qui utiliserait le thème dYzma. Nous lavons enregistrée et Mark et Randy, le réalisateur et le producteur, sont presque tombés tombés de leur chaise à force de rire. Cela a très bien fonctionné et présente immédiatement Yzma comme la méchante du film !
Pour lautre thème, nous voulions simplement préserver cette mélodie de Sting pour les moments importants du film. Je lai appelée le Thème de l’Amitié. Cest un thème très joli et ce fut un grand plaisir de lorchestrer. 



Que gardez-vous de cette expérience ?
A chaque morceau que j‟écris, j‟essaie toujours de m‟améliorer et d‟apprendre. Kuzco, l’Empereur Mégalo n‟y fait pas exception. Quelque part, cette partition fait partie de celles dont je suis le plus fier. Et par maints aspects, je pense que mes racines classiques y transparaissent particulièrement, et plus précisément ma passion pour l‟impressionnisme français ainsi que pour la musique russe.